Conseil de développement de la région d’Angers – Document source de la contribution ‘Angers, Cité des usages du numérique’ 61 Annexes Annexe 1- Contributions individuelles et collectives des membres de la commission ‘Numérique Annexe 2 – Composition de la commission ‘Numérique’ Annexe 3 – Glossaire Annexe 4 – Informations et ressources des notes de bas de page / Cartes Annexe 5 – Bibliographie 62 Conseil de développement de la région d’Angers – Document source de la contribution ‘Angers, Cité des usages du numérique’ Annexe 1 – Contributions individuelles et collectives des membres de la commission ‘Numérique’ Contribution de la CFDT Contribution de l’Union Départementale CFDT Maine et Loire aux travaux de la commission ‘Numérique’ du Conseil de développement : Inclusion-Education et économique numérique Préambule La CFDT a pour ambition de contribuer à la construction d’un mode de développement durable, porteur de progrès social pour tous. Ce nouveau mode de développement doit s’appuyer sur le choix de la qualité afin de nous permettre de renouer avec un système productif créateur d’emplois, orienté vers l’innovation et un haut niveau de vie et de protection sociale pour tous. Ce choix de la qualité ne peut se faire, en 2016, sans une bonne compréhension des transformations en cours, dont celle du numérique. La transition numérique est à la fois riche de promesses et la source de recompositions du tissu économique dont il importe de s’assurer qu’elles permettront le progrès. Elle doit être l’occasion d’une réflexion partagée pour faire naître de nouvelles actions adaptées à ce nouveau contexte. Nos ambitions doivent être à la hauteur des enjeux, de la rapidité de cette transformation et des conséquences déjà réelles sur un ensemble très large de thèmes : la modification du tissu économique, le dialogue social, les emplois, le travail, la formation… Parce qu’elle a des impacts dans l’ensemble des champs, la transition numérique n’a pas vocation à être traitée comme un thème de plus. Si des questions radicalement nouvelles se posent, notamment autour du statut des données, de la protection de la vie privée, la transition numérique doit nourrir notre réflexion pour adapter notre modèle social, s’ajouter aux réflexions en cours sur la modification des emplois, des métiers et des compétences, déboucher sur la négociation de nouvelles organisations du travail. Des progrès techniques évidents La transition numérique est constituée d’une série de ruptures déclenchées par des progrès techniques simultanés dans plusieurs domaines : l’amont de la filière numérique (capteurs, microprocesseurs, puissance de calcul et capacité de stockage, transport d’information par la fibre optique, etc.) comme l’aval (logiciel, modélisation 3D, etc.) connaissent des ruptures technologiques majeures. Non seulement les possibilités techniques se démultiplient mais le coût des technologies s’effondre. De ce fait, les terminaux et objets connectés sont désormais à la portée du plus grand nombre et ne sont plus réservés aux entreprises. Ils permettent de nouer des relations nombreuses et renouvelées à partir d’une infrastructure de base constituée d’Internet, du GPS, des grandes plateformes d’informatique en nuage ou « cloud computing », et, au fur et à mesure de leur développement, des objets connectés. Conseil de développement de la région d’Angers – Document source de la contribution ‘Angers, Cité des usages du numérique’ 63 Les particuliers sont alors parfois mieux équipés que les entreprises et importent des nouvelles pratiques dans l’entreprise. Ainsi, le développement de la messagerie instantanée professionnelle est apparu pour contrer MSN, utilisée alors de façon non encadrée par les salariés... Les salariés utilisent alors les mêmes outils pour travailler et se divertir, estompant ainsi les frontières entre les mondes personnel et professionnel. La transformation numérique est donc accélérée par l’invention permanente de nouvelles modalités d’échange et de travail permises par le numérique, souvent à l’initiative des salariés qui importent des modalités d’échange numérique de la sphère personnelle. Ces ruptures, qui ne sont pas nécessairement négatives, sont sans doute irréversibles. Il nous appartient donc de construire collectivement notre réflexion et tirer parti des possibilités nouvelles offertes par le numérique pour créer du progrès social pour tous. Un nouveau modèle de création de valeur autour des usages La caractéristique de cette économie est qu’elle réorganise en profondeur les relations entre individus. Le numérique permet de faire s’effondrer l’ensemble des coûts d’accès à l’information, de coordonner à coût quasi nul l’activité autonome d’un grand nombre d’individus. Systèmes d’authentification, de paiement, de réputation en ligne permettent ainsi de recréer un univers de confiance entre acteurs n’ayant pas les moyens de se connaître pour permettre l’échange. Le rythme de diffusion de cette nouvelle économie est très différent selon les secteurs. Dans certains cas, l’irruption du numérique a plusieurs années (culture, médias, hôtellerie, commerce), dans d’autres, elle est en cours (assurance, transports, énergie, santé), tandis que plusieurs secteurs ne seront touchés que dans quelques années. Mais la transition numérique transformera sans doute l’ensemble de l’économie, l’important étant d’être en mesure d’identifier les points de bascule. A titre d’exemple, le numérique peut être source de solutions pour la transition écologique (réseaux intelligents - smart grids et compteur intelligent Linky -, optimisation des transports…), même si le numérique lui-même n’est pas anodin pour l’environnement du fait des consommations de métaux rares et d’énergie. De fait, le point de départ de la plupart des entreprises du numérique, c’est une relation renouvelée, instantanée et fluide avec les usagers qui sont mis en réseau. Le propre des grandes plateformes du numérique est donc de partir du besoin des usagers, de s’allier avec leur désir d’un service convivial pour offrir un service repensé, s’appuyant sur les capacités offertes par la mise en réseau donc le partage : Une plateforme numérique fournit d’abord une mise en relation simplifiée et conviviale. La valeur naît alors de l’usage qui est proposé. L’ancienne séparation entre industrie et services s’estompe. Le modèle économique des entreprises change : au lieu de créer des revenus à partir d’une économie de l’offre dans laquelle la valeur est constituée du nombre de produits qui ont pu être commercialisés, elle se constitue autour de la valeur qui a pu être tirée du nombre de clients fidélisés autour d’une marque, d’une interface et d’une expérience utilisateur. Par exemple, au lieu de rentrer son numéro de carte bleue en ligne pour payer un achat, on utilise une application de paiement (Paypal), la valeur naissant de la simplification proposée au consommateur et du nombre de clients recourant à cette facilité. Plusieurs nouveaux modèles de création de valeur coexistent. Les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) comme les sociétés qui offrent des outils de navigation (Google) tirent leurs revenus de la valorisation des données (de recherche ou messages postés) librement mises en partage par les internautes (publicité ciblée par exemple). 64 Conseil de développement de la région d’Angers – Document source de la contribution ‘Angers, Cité des usages du numérique’ Ce modèle de services gratuits permettant la valorisation des données récoltées n’est d’ailleurs pas sans poser des questions de principe : Quel consentement de l’usager à la réutilisation et à la valorisation de ses données ? Pour quels usages ? D’autres sociétés créent des plateformes de services qui captent la clientèle finale. C’est le cas des plateformes d’achat en ligne comme Amazon ou Ventesprivées.com, des plateformes de mise à disposition d’applications (Apple), de comparateurs de coûts (Booking), de prestations de service (Tripadvisor). La filière est confrontée à un nouvel acteur qui dispose d’un monopole de la clientèle, donc qui est en position de force pour négocier le partage de la valeur à son profit. Les groupes hôteliers, faute d’avoir anticipé cette mutation, sont aujourd’hui d’ailleurs contraints de rétrocéder leur marge aux plateformes de réservation, de comprimer leurs coûts, voire de dégrader les conditions de travail de la sous-traitance. Dans un contexte d’arrivée de nouveaux concurrents (les particuliers qui louent un appartement pour la courte durée via AirBnB et ne disposent ni d’obligation réglementaire, ni de coûts fixes), la filière hôtelière est profondément remise en question. D’autres se fondent sur la concurrence entre les amateurs et des professionnels. L’ubérisation est précisément ce processus par lequel une plateforme numérique permet à des amateurs de rendre des services autrefois exclusivement rendus par des professionnels, titulaire d’un permis de conduire et non taxi (Uber), sous-location à la semaine de son appartement et non meublé de tourisme (AirBNB) ou hôtel, location de son véhicule particulier et non loueur automobile professionnel (Drivy), financement participatif (crowdfunding) et non activité financière classique. Une économie de la donnée et des réseaux Comme les plateformes numériques fonctionnent sur l’économie de réseau, leur modèle économique est par nature monopolistique. Chaque consommateur a intérêt à rejoindre la plateforme la mieux implantée qui est celle qui permet la collecte la plus importante d’informations et le meilleur traitement de celles-ci (plus grand nombre de références, de commentaires et de clients pour AirBnB, Tripadvisor ou Booking). Le carburant de l’économie numérique est la donnée. La lutte primordiale est celle pour leur collecte et leur appropriation. Détenir un accès aux données, les traiter et les valoriser devient un levier de pouvoir important. L’intérêt des géants de la nouvelle économie est donc de créer un champ de services et d’expérience qui permet de collecter le maximum de données pour offrir en retour le meilleur service et demeurer l’interface exclusive des usagers. C’est le sens des acquisitions à prix d’or de start-ups par les géants du numérique qui souhaitent compléter leur offre pour conserver leur lien privilégié aux utilisateurs. Certains géants numériques procèdent ensuite à la remontée de la filière. Les frontières des filières sont alors totalement bousculées. Au-delà de la constitution d’une chaine logistique propre par Amazon, Google commence à poser de la fibre au Kansas et à Austin. Tesla produit des voitures, Netflix des séries télé. Orange lance la banque par mobile, Google une voiture sans chauffeur, Apple une plateforme de santé... Ces nouveaux acteurs ont un poids capitalistique gigantesque. Google, Amazon, Facebook et Apple ont une capitalisation supérieure à l’ensemble du CAC 40. Ils lèvent des fonds avec une grande facilité, ce qui leur permet de mener des guerres de prix et ils peuvent alors concurrencer les grands groupes traditionnels voire les États et fragiliser de façon spectaculaire de nombreux grands groupes établis. Cette puissance pose d’ailleurs des questions nouvelles : ‐ La maîtrise des données et de leur traitement pour que ces traitements concourent au progrès : la technologie est neutre, il nous appartient de déterminer les traitements qui vont dans le bon sens et ceux que nous ne pouvons accepter ; Conseil de développement de la région d’Angers – Document source de la contribution ‘Angers, Cité des usages du numérique’ 65 ‐ La nécessaire adaptation des groupes traditionnels qui doivent se doter de stratégies renouvelées pour prendre en compte l’apparition de nouveaux concurrents et de nouveaux modèles d’affaires ; ‐ Le respect de la promesse initiale d’Internet, qui doit être porté au niveau européen : Le droit des usagers sur leurs données (le respect de la vie privée, le droit à l’oubli, la portabilité des données d’une plateforme à l’autre (pas de perte en cas de changement de plateforme) ; L’ouverture des plateformes et leur interopérabilité ; Le respect du principe d’égalité (débat notamment autour de la question de la neutralité du net) ; La régulation des situations concurrentielles pour éviter la constitution de rentes pour ces géants. Chacun des services qui s’imposent offre un gain de bien-être aux consommateurs, dont il convient de s’assurer. Toutefois, les évolutions ne sont pas neutres sur les organisations du travail, ni sur l’emploi. Un effet incertain sur la croissance Si les technologies numériques apparaissent bien comme une grappe d’innovations pouvant entrainer un choc de productivité, les économistes demeurent très partagés sur l’ampleur de leur effet sur la croissance : ‐ Les économistes comprennent des pessimistes, qui attendent du numérique qu’il nourrisse la stagnation séculaire : Certains estiment que les innovations du passé ont eu un effet favorable sur la croissance parce qu’elles impliquaient un cycle d’investissement majeur et doutent donc de l’impact d’innovations numériques beaucoup moins intenses en investissement ; D’autres, s’appuyant sur les premiers effets du numérique sur la dernière décennie, estiment que les gains tirés des innovations numériques seront vite épuisés ; ‐ A contrario, des économistes plus optimistes attendent beaucoup de la transition numérique analysée comme un nouveau cycle long d’innovation : Certains estiment que par son caractère diffusant dans l’ensemble de l’économie, elle aura un effet robuste sur la croissance ; D’autres que comme pour l’informatisation dans les années 80, c’est de la réorganisation du monde du travail pour tirer parti de l’ensemble des possibilités de l’outil que naitra la croissance. Sans départager les experts, force est de constater que quel que soit l’effet sur le PIB, le partage par un plus grand nombre de personnes de services nouveaux et adaptés devrait accroître le bien-être collectif. Et force est de constater que la France n’est pas sans atout pour affronter la transition numérique (objets connectés, l’animation 3D, projets Usine du futur…). Le numérique devrait certes amener une perte de valeur au profit des géants du numérique mais pourrait aussi être une occasion pour relocaliser de l’activité dans l’industrie comme dans les services. Ainsi pour la création et la diffusion des MOOC, par exemple, la gratuité de l’école et de l’université en France devient un atout puisque la mise en ligne de cours gratuits ne fragilise pas le modèle 66 Conseil de développement de la région d’Angers – Document source de la contribution ‘Angers, Cité des usages du numérique’ économique de nos universités et favorise donc la mise à disposition plus rapide de supports que dans les universités anglo-saxonnes. Et si effectivement a lieu un choc de productivité de grande ampleur, entrainant le déversement (toujours lent et progressif) de main d’œuvre vers de nouvelles industries, un nouveau cycle de réduction du temps de travail pourrait trouver sa place comme cela a toujours été le cas lors des révolutions industrielles du passé, qui passera sans doute moins par la durée hebdomadaire du travail que par son organisation tout au long de la vie. Une modification des emplois qui a commencé Dans tous les cas, beaucoup d’emplois pourraient changer, soit directement par la disparition- réapparition de nouvelles entreprises, soit par la modification des emplois au sein des entreprises existantes. En effet, les perspectives d’automatisation de certaines activités s’accroissent sous l’effet des technologies numériques : ‐ Big data : la collecte et le stockage des données (2,5 trillions d’octets par jour d’après IBM) ouvrent la voie à des traitements nouveaux ; ‐ Machine learning : développement d’algorithmes, donc de programmes intelligents capables d’effectuer des tâches ou de prendre des décisions ; ‐ Robotique qui modifie déjà en profondeur les ateliers et devrait gagner de nouveaux secteurs (la maison – domotique -, la santé – analyse de sang par robot, par exemple). Des destructions d’emploi pourraient donc avoir lieu qui, pour la première fois, ne se limiteraient pas à l’emploi non qualifié mais pourraient concerner des emplois qualifiés (typiquement les emplois de gestion) qui pourraient être remplacés par des algorithmes, de l’intelligence artificielle et des robots. De ce point de vue, la transition numérique pourrait, sans une action vigoureuse d’accompagnement et de requalification des emplois, accroître la polarisation des emplois et des rémunérations, en détruisant une fraction des catégories intermédiaires. Toutefois, si certaines taches seront automatisées, les modèles économiques supposent l’invention de nouveaux usages qui peuvent, eux, être riches en emplois. Une étude de la Commission Européenne (2013) anticipe ainsi selon les scenarios de 750 à 1 350 000 postes vacants dans le numérique à horizon 2020, auxquels il convient d’ajouter les perspectives liées à la Silver economy par exemple. Par ailleurs, dans de nombreuses entreprises, les organisations du travail, le contenu du travail, les métiers vont changer sans que le solde en emplois soit nécessairement négatif. Le bilan sur l’emploi est donc extrêmement incertain, les experts étant partagés sur ce point. Il ne sera connu qu’à l’arrivée, sans qu’il n’y ait de raison de postuler qu’il sera négatif. Mais il importe d’organiser un effort immédiat d’accompagnement et de formation de la main d’œuvre vers les métiers de demain, de tirer parti de toutes les opportunités, de former et d’accompagner nos équipes pour interroger les stratégies de leurs entreprises. Des impacts ambivalents sur l’action publique La multiplication des services numériques dans d’autres univers crée un nouveau standard de convivialité, de disponibilité et de qualité qui va rapidement s’imposer à la puissance publique. Les technologies numériques offrent ainsi la possibilité de fluidifier à brève échéance la relation aux usagers : ‐ Démarches en ligne (sur le modèle de la télé-déclaration des impôts, du numéro unique de demande de logement social) ; Conseil de développement de la région d’Angers – Document source de la contribution ‘Angers, Cité des usages du numérique’ 67 ‐ Acquisition automatique des données permettant de limiter les tâches administratives (dites-le nous une seule fois) ; ‐ Applications permettant de faciliter la vie des usagers pour les tâches administratives (application permettant de localiser les services rendus, de mesurer le temps d’attente au guichet, de photographier avec son téléphone les pièces à transmettre et les adresser à l’administration) comme des services plus complexes (exemple : cours en ligne - MOOC) ; ‐ Développement de plateformes permettant de présenter une offre enrichie de services innovants rendus par des opérateurs privés (exemples : Emploi Store ; hackathon de la CNAF) à destination des usagers les plus autonomes qui doit être couplée d’un accompagnement réel des usagers les moins familiers des technologies ; ‐ Services mieux adaptés et mieux rendus grâce au traitement à grande échelle des données (Big data) qui doit permettre de personnaliser le service rendu. Pour autant, la perception des agents est à ce stade ambivalente, entre attente forte de solutions et craintes pour l’emploi. La numérisation de l’action publique est en effet souvent présentée comme un levier pour réaliser des gains de productivité et réduire les effectifs, en particulier lors des travaux de modernisation de l’action publique. Cette méfiance est renforcée par l’expérience quotidienne des agents : ‐ La mise en service d’applications mal conçues, centrées sur le reporting plutôt que sur la facilitation du travail, applications de plus souvent rapidement vétustes du fait des changements réglementaires ; ‐ Un discours sur la simplification, qui faute d’articulation avec de nouveaux outils, masque mal un déport de la charge de travail et